BIO, Biodynamie, raisonnée, AOP, HVE , agroécologie ? Alors que notre volume de vente ne permet pas d’amortir les coûts induits, d'autres points nous freinent dans leur canevas…
Par Ronald Blanrue.
Dans notre éthique de culture au domaine oléicole, notre état d’esprit et philosophie de culture sont le plus proche de la biodynamie:
Cependant on ne peut postuler aux labels BIO/Demeter :
- Les composts préparés sont ‘maison’ et local (pas de préparations Demeter proche), notre calendrier de plantation est adapté en fonction du climat changeant (hiver tardif, printemps froid, automne sec). On ajoute les critères de température du sol et d’humidité pour la décision de planter (plus de chance de succès).
-La préparation de nos produits composts et décoctions maison sert à relancer la vie du sol et créer de la matière organique, non acceptable en BIO car non estampillé par la filière avec un agrément CEE (numéro AMM). Le même produit acheté (cher) en magasin est OK (sans connaitre sa fabrication ni sa valeur énergétique) !
-Dépendance au moulin pour la trituration de l’huile (1jour/semaine dédié au BIO). Soit on travaille 1 jour/semaine, soit on stocke les olives pendant 4 jours! (perte qualité par oxydation). Non compatible de l’huile grand cru visée en goût et santé (olives à l’état parfait triturées du jour, polyphénols préservés).
Sachant qu’on fait plus écologique que le BIO (non usage de la bouillie bordelaise ou du syneis appat, néfaste à la vie du sol et aux abeilles), qu’on fait de LA Bio (voir live ‘Le Bio’ de F.Denhez), le constat est frustrant…
Ni postuler à l’AOP Nice:
-Nous avons 20m entre chaque olivier Cailletier (le label requière 6m !). Ils sont baignés de soleil à 360°, épuisent moins le sol. L’exploitation en polycultures des espaces inter-rang vides (fleurs, aromatiques) n’est pas autorisée, alors qu’on pourrait planter d’autres oliviers (peu judicieux pour la diversité, ni adapté au besoin de multiplier des sources de revenus différentes / risque météo).
- La date de récolte de l’AOP huile et olive de Nice est le 1/11 (huile douce), alors que la maturité des fruits est de plus en plus précoce et qu’une demande du marché s’ouvre aux produits plus typés donc plus vert/ardent pour l’huile (et avec plus de polyphénols pour le critère santé).
Sachant qu’on est dans le terroir, au mieux du qualitatif (faible densité maintenue par respect du patrimoine de des moines de Lerins), c’est une 2ie frustration…
Il y a une intelligence de situation à développer pour adapter les pratiques dans une météo complexe et moins stable d’aujourd’hui. Le changement climatique nécessite de revoir des écrits trop rigides, peu ouverts (et l’exploitant est de plus en plus diplômé).
Des initiatives de culture nouvelles émergent (ex : les EM à base de produits vivants). Leur agrément est un long processus freinant leur émergence alors que la pression de la société est forte pour une transition écologique rapide.
Le calendrier des hommes de texte diverge de celui des hommes de terrain. La créativité doit être libérée, au plus près du terrain…
Les labels pourraient se limiter aux objectifs et processus de gestion de la qualité (comme pour les normes ISO), et de responsabiliser davantage l’exploitant pour la stratégie/tactique opérationnelle.
Le besoin est de restaurer le respect et la confiance entre producteur et consommateur.
Comment l’exploitant peut-il reprendre le gouvernail et se prendre en charge ?
Chercher sa conviction
Résumons quelques caractéristiques des labels:
BIO Focus sur le produit. Confiance reconnue. Objectif environnemental faible (certains produits nocifs aux abeilles ou vie du sol). Approche qualité processus forte (traçabilité). |
BIODYNAMIE Culture engagée à base de préparations dynamisés (501, 500 …). Approche holistique (influence cosmique). Couteux (cotisation BIO + biodynamie). |
HVE Objectif environnemental fort. Peu diffusé. A combiner avec un autre label orienté produit (AOP, BIO), doublant le coût. |
AOP Focus sur le terroir du produit. Peu contraignant sur la culture et environnement (mécanisation et pesticides ok). Image reconnue auprès du public. |
RAISONNE Peu cadré, de l’ordre de l’intention, peu vérifiable (dose réduite, fréquence moindre). Alternative au BIO pour petite structure. Dépend de la volonté de l’exploitant (peut faire plus écologique que le bio). |
AGROECOLOGIE Focus sur impact environnemental. Pas encore cadré (but : pesticides / 2). Beaucoup d’initiatives nouvelles (engrais verts, EM, biocontrôle…). |
Bien qu’au domaine oléicole nous utilisons le terme ‘projet agroécologie’ (avec de nouvelles pratiques culturales), nous n’opterions pas encore vers ce label s’il venait à être créé car il laisse trop de place à l’usage des pesticides (objectif visé: réduction de 50%). Pas au niveau de notre effort pour bannir tout intrant/traitement chimique.
Avec d’autres collègues oléiculteurs, on partage un terme plus significatif de nos pratiques : L’oléiculture au naturel.
Le principe est l’observation de la nature (écoute créatrice), agir si carence/souffrance (douceur), préserver le sol et son vivant (durable).
L’objectif est de créer des produits alliant goût (typicité terroir) et santé (taux de polyphénols élevé).
La pratique culturale n’est viable que par l’incarnation de valeurs et convictions du producteur (son intention, sa vibration)
Comme nos tailles d’exploitation nous excluent du ‘système agricole’ (pas droit au statut, ni aide, ni eau agricole), nous opérons hors des enjeux économiques de la filière. Donc pas accès au certiphyto (droit aux pesticides), comme ça notre engagement est clair.
Nous prenons le contrôle de notre développement (autofinancé, le prix de la liberté !).
Dans notre groupe d’oléiculteurs, on a des pratiques et expériences différentes selon notre environnement, cette diversité de pratiques est une force dynamique. On partage une éthique et un objectif commun : actions 100% naturelles (produits biodégradables), 0 intrants chimiques, respect du sol (pérennité).
Et on veut garder le plaisir d’être connectés à la nature, pas emmitouflés de la tête au pied.
C’est une dimension nouvelle à acquérir pour l’exploitant. Auparavant, nos parents travaillaient selon les directives des coopératives et conseillers agricoles (les risques pour l’exploitant), la communication et l’interface consommateur étant pris en charge par les intermédiaires.
Cette époque est révolue. L’exploitant doit être en relation directe avec le consommateur, pour comprendre son besoin, expliquer ce qu’il fait. Ce lien responsabilise.
Les outils : la vente directe et le numérique !
Restituer une relation producteur / consommateur authentique, à la place d’un texte de norme qui déresponsabilise et ne remplace pas la magie d’une rencontre.
L’exploitant doit accepter l’héritage passé (méfiance liée aux scandales de la culture conventionnelle), même s’il n’est pas acteur de la gabegie.
Développer la compassion, avec les consommateurs comme avec la nature (ça nous grandit). La confiance est un long chemin. Agir par conviction, garder la foi, être sincère. Le client captera la justesse car elle est vécue dans le corps (non manipulé).
Parler avec ses tripes de ce qu'on fait avec ses tripes
Nous faisons le choix de créer des produits vivants (vibrants pour le consommateur), via une culture issue du vivant. Je suis persuadé que le client ressentira ce travail de fond car son corps réagira lors de la dégustation. Plaisir ressenti, ouverture des papilles jusqu’à de la joie.
C’est physique, donc pas de tricherie. La résilience prendra du temps mais se fera. Rester confiant.
Revenir à une relation pure producteur/acheteur, parler avec le ventre plutôt qu’avec la tête. La vie fera le reste.
Dans ce monde en transition, il y a une opportunité d’innover et de créer de nouveau paradigme (ou remettre en œuvre de vieilles pratiques….).
C’est motivant d’être acteur créateur du changement, plutôt que suivre une politique à bout de souffle fixée par le haut (la culture conventionnelle de masse). Malgré les doutes et erreurs….
La vie teste notre engagement, notre solidité, notre conviction (comme l’axe de l’arbre dans la tempête). Les erreurs ne sont jamais nocives avec des traitements naturels (100% biodégradable), le seul impact est une baisse (momentanée) du volume de production.
Nous sommes orientés sur une culture de petites productions, très qualitative en goût et santé, fondée sur le vivant, durable écologiquement (progression de l’humus et écosystème).
Aucune certitude, de l’observation et action douce avec intention. Le novateur est d’oser le basique dans un modèle économique qui veut vendre du complexe….
Comme une plante qui peut émerger dans des lieux improbables (désert, falaise…), alors qu‘elle ne sait pas ce qu’elle va devenir, l’exploitant du vivant doit agir avec conviction sans assurance sur la réaction du vivant (production de fruits ou blocage du sol ?, quelle réaction des consommateurs ?).
L’intention de l’exploitant impacte sa relation au végétal, induit le comportement en retour de ce dernier. L’olivier a besoin de cœur. Sans vibration, il va végéter.
Conscientiser sa posture et son état d’esprit de travail
La conviction de l’exploitant est constamment challengée dans ses pratiques de culture. Son énergie de travail se répercutera dans la qualité du produit.
Agir sans intention est comme aimer sans cœur.
A l’ère de la physique quantique, j’espère qu’on pourra démontrer l’apport des actions intentionnelles pour la nature.
En agissant avec conscience et justesse, l’exploitant va se nourrir intérieurement (plaisir ressenti, sensation de justesse).
La conviction est l’essence interne qui fait avancer l’exploitant avec confiance.
Cette force interne hautement vibratoire sera perçue dans sa relation avec ses consommateurs clients, pour installer la confiance.
Il n'y a plus besoin de 'bible' extérieure (label, norme) à appliquer sans discernement (aliénant).
Ontologie
Agir avec conviction (pure), y croire soi pour que le consommateur y croit
Donner confiance, c’est d’abord être confiant en soi et ses pratiques